Elsevier

Archives de Pédiatrie

Volume 9, Issue 2, February 2002, Pages 110-116
Archives de Pédiatrie

Mémoire original
Étude des répercussions psychologiques de deux modalités de traitement chez des adolescents atteints de maladie de CrohnStudy of psychological repercussions of two modes of treatment of adolescents suffering from Crohn’s disease.

https://doi.org/10.1016/S0929-693X(01)00717-5Get rights and content

Résumé

Aucune étude n’a encore comparé l’impact psychologique respectif de la corticothérapie et de la nutrition entérale dans le traitement d’une poussée de la maladie de Crohn, et en particulier, évalué les problèmes psychologiques liés au port d’une sonde 24h sur 24. L’objectif de cette étude était de recueillir des informations comparatives sur le vécu de ces deux traitements.

Patients et méthodes. – De septembre 1997 à février 1998 à la clinique des maladies inflammatoires du tube digestif de l’hôpital Necker–Enfants malades, 51 patients âgés de 12 à 18 ans (moyenne 15 ans) ont participé à cette étude. Trente 〚15 sous corticothérapie (CT) ; 15 en nutrition entérale (NE)〛 ont répondu à un questionnaire inspiré d’un questionnaire similaire canadien (Inflammatory Bowel Disease Questionnaire), et 21 ont passé les tests d’anxiété de Spielberger et de dépression de Beck et eu un entretien psychologique.

Résultats. – Traitement et son vécu : D’après les 30 questionnaires, l’appréciation de l’efficacité thérapeutique était similaire dans les deux traitements, la grande majorité des patients a respecté leur traitement (un seul patient sur 15 en NE a mangé en cachette et deux sur 15 ont suspendu leur CT). Sur les 15 questionnaires NE, neuf patients ont bien supporté l’arrêt de l’alimentation, deux patients ont eu faim, neuf ont eu des envies alimentaires et dix ont évité les repas pendant leur traitement. Six (43 %) adolescents sur 14 qui avaient une sonde nasogastrique 24 h sur 24 ont reconnu avoir des difficultés sur le plan esthétique contre huit (53 %) qui ont mal supporté la bouffissure du visage liée à la prise de cortisone. D’après les 21 entretiens : huit patients sur 11 ont estimé la NE efficace contre seulement quatre sur dix sous CT. Sur les 11 qui étaient en NE, aucun adolescent n’a eu faim, huit sur 11 ont eu des envies alimentaires, neuf sur 11 ont évité les repas, sept sur 11 ont évoqué le sentiment d’être différent et sept ont parlé du bouleversement des habitudes familiales qu’entraîne la NE. Neuf (82 %) ont parlé des difficultés à supporter la sonde esthétiquement, contre huit (80 %) sur dix qui ont mal supporté la bouffissure du visage et sept se sont plaints d’être victimes d’agressions verbales.

Qualité de vie : D’après les questionnaires, huit patients en NE sur 15 ont manqué en moyenne 15 jours d’école contre cinq patients sous CT, dix ont estimé que la NE a restreint leur vie quotidienne et neuf ont évoqué les restrictions quotidiennes liées au port de la sonde nasogastrique 24h sur 24.

Tests : Sur les 11 en NE, la moyenne au test d’anxiété de Spielberger, correspondait au premier niveau d’anxiété de l’échelle et pour les dix patients sous CT la moyenne correspondait au deuxième niveau supérieur. La moyenne au test de dépression de Beck correspondait pour les 11 patients en NE au premier niveau de dépression et au deuxième niveau pour les patients sous CT.

Conclusion – Cette étude a permis de constater que la NE est ressentie de manière plus contraignante dans la vie quotidienne des patients que la CT et de saisir les difficultés liées à l’arrêt de l’alimentation orale et au port d’une sonde nasogastrique. Elle fournit également des indications sur les difficultés à supporter les effets secondaires de la CT comme la bouffissure du visage qui peut être aussi mal supportée sur le plan esthétique que le port d’une sonde nasogastrique.

Abstract

No study has yet compared the respective psychological impact of corticotherapy and enteral nutrition in the treatment of Crohn’s disease, and especially, the psychological problems linked to the wearing of a nasogastric tube 24 hours a day. The goal of this study was to collect comparative information regarding the real-life experience and the feeling of these two treatments.

Patients and methods. – From September 1997 to February 1998 at the clinic of inflammatory bowel diseases of the hospital Necker–Enfants malades, 51 patients aged 12 to 18 (average 15) participated in this study. Thirty 〚15 on corticotherapy (CT) ; 15 on enteral nutrition (EN)〛 answered a questionnaire inspired by a similar Canadian questionnaire (Inflammatory Bowel Disease Questionnaire), and 21 passed Spielberger’s anxiety tests, Beck’s depression tests and a psychological interview.

Results. – Treatment : According to the 30 questionnaires the appreciation of the therapeutic results was similar in the two treatments, the majority of patients respected their treatment (only one patient on EN ate secretly and two on CT stopped their corticotherapy). Of the 15 EN questionnaires : nine out of 15 patients responded well to the suspension of oral feeding, two were hungry, nine experienced cravings and ten avoided meals during their treatment. From a cosmetic point of view, six/14 (43 %) found it difficult putting up with the nasogastric tube 24 hours a day, and eight/15 (53 %) on CT found the facial swelling difficult to bear. According to the 21 psychological interviews, eight patients deemed EN efficient, while only four felt the same about CT. Of the 11 EN psychological interview, no adolescent patients were hungry, eight had cravings and nine avoided meals during their treatment, seven mentioned they felt different and seven described how EN had upset the family’s routine. Nine (82 %) talked about how difficult it was to put up with the nasogastric tube 24 hours a day from a cosmetic standpoint while eight/ten (80 %) on CT found the facial swelling difficult to live with. Seven complained that they had been the victims of verbal abuse.

Quality of life : According to the 30 questionnaires, eight/15 patients on EN missed an average of 15 days of school against five/15 patients on CT, ten patients judged that EN restricted their daily lives and nine mentioned the daily difficulties to wear a tube 24 hours a day.

Tests : Spielberger’s test of anxiety revealed that on average, the 11 patients on EN who were interviewed suffered the first level of anxiety, while the ten patients on CT felt the second level. As for the Beck's depression test, the 11 patients on NE suffered the first level of depression on average, while those on CT were subject to the second level.

Conclusion. – This study demonstrated that EN was perceived as being more disruptive to patients daily lives than CT and defines the difficulties linked to the suspension of oral feeding and the wearing of a naso-gastric tube. The study also describes the difficulties involved in coping with the side effects of CT, one example being facial swelling which can be as unpleasant from a cosmetic point of view as wearing of a naso-gastric tube.

Section snippets

Patients

Sur les 130 patients suivis pour maladies inflammatoires du tube digestif à la consultation de gastroentérologie de l’hôpital Necker–Enfants malades entre septembre 1997 et février 1998, seuls les patients atteints d’une poussée de la maladie de Crohn et ayant eu une NE ou une CT ont été inclus dans l’étude. Ont été exclus les patients âgés de moins de 12 ans et de plus de 18 ans, et ceux traités en urgence. Seuls les patients ayant été récemment traités (depuis moins de six mois) ou en cours

Méthodes

Cette étude comparative de deux modalités thérapeutiques (NE et CT) d’une poussée de maladie de Crohn a été menée selon trois axes : mise en place de deux questionnaires, réalisation de tests d’anxiété–dépression, et entretien psychologique.

Résultats

L’analyse de l’ensemble des données a été regroupée sous deux rubriques : le vécu du traitement et la qualité de vie. Dans chaque rubrique, nous avons exposé comparativement les deux traitements : NE et CT à l’aide des résultats des données des questionnaires et des entretiens.

Croissance staturo-pondérale

Au moment de l’enquête, sept patients sur 15 en NE et six patients sur 15 sous CT avaient une taille inférieure à -1,5 écart-type ET Sur ces 13 patients, 11 ont répondu être préoccupés par leur taille (5 NE et 6 CT). Trois patients au moment de l’étude sur 15 en NE et 11 patients sur 15 sous CT avaient un poids supérieur à la moyenne de plus de 1,5 ET. Sur ces 14 patients, 12 ont répondu souffrir de leur excès de poids (2 NE et 12 CT).

Efficacité thérapeutique

D’après les réponses aux questionnaires l’appréciation de

Absentéisme scolaire

D’après les questionnaires, huit patients sur 15 en NE ont manqué en moyenne 15 jours d’école (extrêmes : 2 à 120 jours). Une patiente a suspendu sa scolarité pendant quatre mois de peur du regard des autres. Sur les 15 patients traités par CT, cinq ont manqué en moyenne 15 jours d’école (extrêmes : 0 et 20 jours). Aucun n’a suspendu sa scolarité à cause du traitement. La NE nécessite au début du traitement une hospitalisation de dix jours environ contrairement au traitement par CT, ce qui

Discussion

Il s’agit de la première étude comparant les répercussions psychologiques de deux modalités de traitement chez des préadolescents et des adolescents atteints de maladie de Crohn. Toutefois les conditions de l’étude n’ont pas permis que cette enquête transversale concerne des malades exactement au même moment de leur traitement. Ainsi trois malades sur 15 étaient encore en NE au moment où ils ont répondu au questionnaire alors que neuf sur 15 étaient encore sous corticoïdes ; cependant la très

Conclusion

Cette étude a permis de constater que la NE est ressentie de manière plus contraignante dans la vie quotidienne des patients que la CT et de saisir les difficultés liées à l’arrêt de l’alimentation orale et au port d’une sonde nasogastrique. Elle a fourni également des indications sur les difficultés à supporter les effets secondaires de la CT comme la bouffissure du visage qui peut être aussi mal supportée sur le plan esthétique que le port d’une sonde nasogastrique.

Références (13)

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Cited by (29)

  • Characteristics of polymeric formula and route of delivery of exclusive enteral nutrition have no effect on disease outcome and weight gain in pediatric Crohn's disease

    2020, Clinical Nutrition
    Citation Excerpt :

    Otherwise, guidelines prefer an oral route of administration. The main reason why oral intake is preferred in children and adolescents with CD, is the psychological impact linked to the wearing of a NG tube [28]. However, the recommendation to prefer oral intake is almost solely based on expert opinions, as worldwide practices differ.

  • Exclusive enteral nutrition in Crohn's disease: Evidence and practicalities

    2019, Clinical Nutrition
    Citation Excerpt :

    Identification of patients and physician barriers to effective treatment with EEN (including tolerance/compliance and psychological problems), with subsequent MDT support (dietetic, specialist nursing and psychological support) is important in improving EEN compliance [105]. Quality of life data in patients treated with EEN do show improvement in line with decreasing disease activity scores, often equal or better than with corticosteroid therapy, however disruption of normal diet and additional difficulties with daily routines must be addressed [106,107]. The efficacy of EEN in induction of remission in paediatric CD is clear, however questions remain as to the exact mechanism through which EEN acts and which patients are likely to respond best.

  • Consensus guidelines of ECCO/ESPGHAN on the medical management of pediatric Crohn's disease

    2014, Journal of Crohn's and Colitis
    Citation Excerpt :

    Oral EEN seems to be as effective as continuous naso-gastric tube feedings.43 In addition, although EEN has been shown to improve quality of life in children with CD,49,50 the use of a nasogastric tube may decrease this improvement in some patients.50 For these reasons patients initially should be offered oral feeds with a polymeric formula, and only treated with a naso-gastric tube if unable to achieve adequate caloric intake —approximately 120% of daily caloric need.51

  • Effect of Six-Food Elimination Diet on Clinical and Histologic Outcomes in Eosinophilic Esophagitis

    2006, Clinical Gastroenterology and Hepatology
    Citation Excerpt :

    The strict ELED places significant financial and social burdens on families because it can cost between $900 and $1500 per month to provide adequate calories for growth in a 20-kg child. The placement and maintenance of the tubes also incurs additional health care costs,22,23 and leads to an impaired quality of life and also affects social life because most childhood activities revolve around food.24 By contrast, SFED allows most regular table foods and is therefore better accepted.

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Avec le soutien de l’AFA (Association François–Aupetit, hôpital Rothschild).

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